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Made in Africa : quand Madagascar rayonne grâce au caviar

Source: Jeune Afrique by Emre Sari, published on march 3, 2024

Fondé par un trio d’associés, Acipenser relève le défi de produire du caviar dans un pays au climat des affaires réputé défavorable. Une réussite entrepreneuriale et industrielle qui a requis audace, fonds propres et intégration de la chaîne de valeur.

Rova Caviar Madagascar. © Facebook Rova Caviar

« On n’a pas fait le moindre business plan. On est surtout gourmets et on aime le défi », raconte Delphyne Dabezies, dirigeante de la société Acipenser, qui produit le caviar de Madagascar. « Mon mari, Christophe Dabezies, a vu un reportage sur le caviar d’Aquitaine, en France, et le lendemain, avec notre troisième associé, Alexandre Guerrier, nous nous sommes lancés », raconte-t-elle.

Une approche peu conventionnelle… « Il faut être clair : au début, tout le monde rigolait », reconnaît Delphyne Dabezies. Mais cette approche a permis d’obtenir une réussite : la première ferme de caviar d’Afrique, la troisième de l’hémisphère sud, et, surtout, un business qui marche – à l’équilibre financier en 2024, selon la dirigeante – sur un produit extrêmement exigeant, dans un pays en queue de peloton sur le continent au niveau du climat des affaires, de l’essor industriel et du développement.

« Si on réussit à produire du caviar, on peut tout faire ici », clame Delphyne Dabezies, contrant le continuum d’images négatives associées à Madagascar, à savoir pauvreté, famine et instabilité politique.

Des débuts compliqués

La construction des installations débute en 2009 aux abords du lac de Mantasoa, à 40 kilomètres à vol d’oiseau à l’est de la capitale, Antananarivo, et à 1 500 mètres d’altitude, avec un climat doux en été et frais en hiver. L’autofinancement atteint… 100 %. Devant la frilosité des financiers, le trio puise dans les bénéfices de leur société de confection textile, Akanjo, créée en 1998, qui sous-traite pour des grandes marques de luxe, avec ses 5 000 employés.

L’importation d’œufs fécondés crée le plus de souci : ils doivent être maintenus entre 8 °C et 13 °C, « bercés » – c’est-à-dire remués – pour ne pas s’étouffer les uns sur les autres, et l’eau doit être changée en cours de route… Tout cela entre Krasnodar et Moscou en Russie, Paris, Antananarivo et Mantasoa. Il y aura trois échecs, « à coup de 50 000 euros à chaque fois », déplore Delphyne Dabezies, avant de finalement réussir le périple.

Sur place, l’équipe doit repenser tout le cycle de vie du poisson, en contre-saison par rapport à l’hémisphère nord. « Pour apprendre, Christophe et Alexandre passaient beaucoup de temps sur Google et ils sont tombés sur François René, un chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). Sur ses vacances personnelles, il est venu nous conseiller. C’est le seul qui y a cru. »

Et l’esturgeon, doté d’une espérance de vie de plus d’un siècle, prend son temps pour pondre : de six à huit ans, voire de quinze à vingt ans pour le beluga. Mais, à Madagascar, les conditions particulières engendrent une croissance plus rapide et de meilleurs rendements. « C’est la bonne surprise du pays », sourit Delphyne Dabezies.

Vitesse de croisière

Le 26 juin 2017 – jour de la fête nationale malgache –, les trois associés dégustent leurs premiers et précieux œufs d’esturgeon. Et six ans plus tard, en 2023, l’entreprise en produit 10 tonnes (t) et totalise environ 500 t de poissons vivants dans ses parcs. « Pour privilégier la qualité, nous ne voulons pas augmenter le volume de poissons. Nous sommes à présent en vitesse de croisière », résume Delphyne Dabezies.

Année après année, Acipenser intègre de plus en plus sa chaîne de valeur. « On est une des rares fermes au monde à produire la nourriture des poissons, bio, sans pesticides, sans OGM, et à 80 % locale, ce qui réduit l’empreinte carbone », se félicite la dirigeante. Les gueules d’esturgeons engloutissent environ 60 t par mois d’une provende de farines de poisson et de céréales. Les 20 % restants sont importés : des compléments alimentaires fabriqués en France.

Dans les ressources humaines aussi, l’entreprise internalise et provoque des transferts de compétences. « Pour apprendre, on a fait venir des experts du monde entier, en environnement, en reproduction, en formulation d’aliments », explique Delphyne Dabezies, qui emploie 300 personnes. « Je motive mes collaborateurs en leur disant qu’ils doivent avoir pour but de produire le meilleur caviar du monde ! » reprend-elle.

Si l’accent est mis sur la formation, en réponse au déficit important de compétences locales, la société de Mantasoa va plus loin : elle assure aussi les soins pour ses salariés et leurs familles. Et ceux qui habitent près du site de production bénéficient de logements, de potagers, de vergers, de ruches, d’une salle de sport, d’un coiffeur… Un modèle qui n’est pas sans rappeler le capitalisme « paternaliste » né au XIXe siècle chez Schneider au Creusot, ou encore chez Michelin à Clermont-Ferrand…

Place sur le marché mondial

Quelle place pour Madagascar sur le marché mondial du caviar ? Le volume consommé au niveau international atteint environ 750 t par an, selon les chiffres d’Acipenser. La Chine domine le marché avec une production de 400 t, devant l’Italie (42 t) et la France (35 t).

« On veut se différencier avec des œufs d’espèces naturelles, originelles, rares, voire presque éteintes, comme le persicus », détaille Delphyne Dabezies. L’an dernier, un poisson d’une autre espèce rare, le shipova, leur a « offert » du caviar blanc : une anomalie de la nature vendue 15 000 euros le kilogramme. « Les Chinois, en revanche, produisent majoritairement du caviar d’esturgeons hybrides », compare la dirigeante, avec des prix plutôt « bas » pour ce marché, aux alentours de 500 euros le kilogramme (kg).

Côté demande, ce sont la Russie, les États-Unis et la France qui en consomment le plus. « On veut notamment toucher des gens qui n’en mangent pas encore, précise-t-elle. On organise des événements, comme au restaurant la Folie Douce, à Méribel-Courchevel, début février. Nos chefs partenaires proposent des pizzas au caviar, des œufs mayonnaise caviar… »

Acipenser a développé deux marques. La première, Kasnodar, représente le plus gros volume, avec des ventes en restaurant, en poissonnerie, en cave, et à 30 % sur internet, à partir de 1 400 euros le kg. La seconde, Rova, commercialise « l’élite » des œufs de Madagascar et s’écoule à 90 % sur internet (à partir de 1 800 euros le kg), les 10 % restants étant servis lors de dîners privés ou à la table de chefs renommés. Enfin, Acipenser écoule une bonne partie de sa production en marque blanche pour de grandes maisons de caviar.

Engagement de l’État

Peut-on espérer d’autres réussites semblables à Madagascar ? « Je crois aux produits agricoles aux qualités nutritives et gustatives uniques, méconnues, comme la poudre de baobab, les brèdes mafana [des herbes au piquant similaire au poivre du Sichuan, NDLR], le poivre sauvage… » répond Delphyne Dabezies.

« La raison pour laquelle les investisseurs tergiversent, surtout en brousse, c’est avant tout la sécurité, juge Andriatahina Rakotoarisoa, membre du Cercle de réflexion des économistes de Madagascar. Les bandits bloquent les paysans et les industries agricoles. » L’économiste pointe aussi la lenteur des processus administratifs et la corruption, omniprésente. « Les lois qui protègent les investisseurs sont encore faibles« , regrette-t-il.

« Le caviar, c’est un résultat miraculeux », s’exclame-t-il, voyant dans l’engagement de l’État, qui doit s’améliorer, le principal moyen de faire émerger d’autres réussites. En attendant, Acipenser continue sa route. L’équipe, qui a pour la première fois réussi à faire se reproduire des esturgeons à Madagascar en 2023, projette d’ouvrir une boutique à Paris.

Rova Caviar Madagascar. © Facebook Rova Caviar