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Le Point

Le caviar, perle noire de Madagascar

Source : Le Point par Marie Bordet, publié le 16 décembre 2023

Un pari fou… Trois entrepreneurs français produisent le premier caviar d’Afrique ( Rova Caviar et Kasnodar). Déjà bien ancrés sur le marché européen, ils veulent conquérir l’Amérique.

<b>Production.</b> Le caviar est égoutté une dernière fois avant d’être conditionné dans une grosse boîte spécialement conçue pour le caviar allant de 500 g à 1,7 kg.Production. Le caviar est égoutté une dernière fois avant d’être conditionné dans une grosse boîte spécialement conçue pour le caviar allant de 500 g à 1,7 kg.

Les 5 kilos de caviar ont été réceptionnés à l'heure dite, à l'aéroport JFK depuis le bout du monde. Dans les soutes du long-courrier, un petit trésor de dix boîtes de 500 grammes d'or noir, bien calé dans des emballages en polystyrène cernés de glace, a rejoint l'hémisphère Nord, survolant les mers et bravant les dépressions orageuses. Une fois à bon port, la précieuse cargaison de ces grains, dont le goût raffiné évoque de fines notes de noisette (2 500 € le kilo, tout de même), a été acheminée discrètement vers un building du quartier de Chelsea. Les perles noires furent ensuite servies à la dégustation lors de l'événement le plus attendu de l'automne new-yorkais. Le 30 novembre, au coucher du soleil, la star française de l'architecture d'intérieure Pierre Yovanovitch, adulé par les rich and famous (Madonna, Rihanna, l'acteur Jake Gyllenhaal, présent ce soir-là), organisait une « petite » sauterie de 500 invités pour célébrer l'ouverture de son showroom à Manhattan. Et quand la crème de la crème du New York des arts et du design a découvert, ébahie, que ce qu'ils dégustaient dans des petites cuillères en nacre, so chic, provenait tout droit d'Afrique, plus précisément de l'île de Madagascar… Oh my God… Mais comment est-ce possible ? La marque Rova Caviar, qui fait déjà un carton en Europe auprès d'une clientèle huppée et de chefs étoilés convertis, est bel et bien partie à la conquête de l'Amérique.

Lac Mantasoa - AcipenserÉcrin. Dans des bassins de 25 mètres de diamètre disséminés sur le lac de Mantasoa – exclusivement alimenté par les eaux de pluie – grandissent 42 000 esturgeons, classés par âges et par espèces.

C'est à 14 000 kilomètres de la faune hype de Chelsea, sur les hauts plateaux de l'île rouge, à deux heures de route d'Antananarivo, dans un paysage naturel extraordinaire, que se trouve Acipenser, l'unique ferme africaine d'élevage d'esturgeons. Elle se déploie dans et au bord du lac artificiel de Mantasoa, l'un des lieux de villégiature de la reine Ranavalona I au XIX siècle, réputé pour la pureté de son eau et ses fonds troubles en latérite. Dans des bassins installés sur la terre ferme ainsi que dans la cinquantaine de « cages » géantes de 25 mètres de diamètre disséminées sur le plan d'eau grandissent plus de 60 000 esturgeons, appartenant à six espèces différentes. Les 300 salariés originaires, pour la plupart, du village voisin d'Ambatolaona s'affairent quotidiennement pour le bien-être de ces poissons préhistoriques, à la peau aussi rugueuse que du papier de verre et qui peuvent peser jusqu'à 100 kilos. Cette année, la ferme malgache a produit 10 tonnes de caviar, un chiffre qui devrait doubler d'ici à 2026…

Défi. Ils sont trois. Des entrepreneurs, de la trempe des doux dingues pour qui rien n'est impossible, et surtout pas de « fabriquer » du caviar à Madagascar. Retour en arrière. En 1996, Delphyne et Christophe Dabezies, jeunes mariés, s'embarquent pour un tour du monde. Mais leur première étape sera aussi la dernière… Ils tombent amoureux de Madagascar et n'en repartiront jamais. Avec leur associé et ami Alexandre Guerrier – le trio s'est rencontré à Paris, sur les bancs de l'École supérieure des industries du vêtement –, ils montent une société de confection pour la clientèle des maisons de luxe. Près de vingt ans plus tard, tous les grands noms de la haute couture font appel aux services d'Akanjo, forte de ses 4 000 salariés. Un soir d'été austral, en 2006, Delphyne et Christophe se détendent devant l'émission Capital, qui diffuse un reportage sur le caviar d'Aquitaine. L'esturgeon sauvage, qui vit en Russie, en Roumanie ou en Iran, étant en voie de disparition, des fermes d'élevage voient le jour en Asie et en Europe. « On cherchait un nouveau défi à relever… On on s'est dit : et si on faisait la même chose à Madagascar ? », se souvient Christophe Dabezies, 52 ans.

Becquée. Les poissons sont nourris – avec des granules faits maison, question de qualité – deux fois par jour… et à la main. Cela permet aux plus petits de manger aussi, sinon les gros engloutissent tout.

Le trio se lance sur la piste de ces poissons à sang froid via Google. « Comment fabriquer du caviar ? », « Que mangent les esturgeons ? », « Où acheter des esturgeons ? », « Quelle est l'espérance de vie des esturgeons ? ». Ils bûchent la documentation comme des étudiants en prépa médecine, jour et nuit pendant des semaines. « On n'y connaissait vraiment rien, continue Christophe Dabezies. Je pensais que les esturgeons vivaient dans l'eau salée ! J'ai eu honte quand j'ai compris qu'il s'agissait d'un poisson d'eau douce… » Les pontes du caviar les toisent avec un sourire en coin, les donnent perdants avant même d'avoir commencé à jouer. Transporter un poisson originaire de Sibérie sous les tropiques… Ben voyons…

Novices. Deux bienveillants parrains se penchent malgré tout sur leur projet malgache. D'abord, François René, ex-chercheur en aquaculture à l'Ifremer, qui, intrigué, rend visite aux bâtisseurs intrépides. « J'ai trouvé leur histoire si folle que j'ai voulu les aider », assure ce spécialiste reconnu de l'esturgeon. Il leur présente des techniciens, les emmène visiter des fermes piscicoles dans les pays de l'Est, leur détaille les étapes de la production et ses écueils… Ensuite, Armen Petrossian et son fils Mikael, dignes héritiers de la grande maison centenaire qui porte leur nom, endossent avec enthousiasme le rôle de compagnon de route du premier caviar d'Afrique. « Notre métier consiste à sélectionner les meilleurs grains du monde, précise Mikael Petrossian, PDG de Petrossian Paris. Nous avons été séduits par leur volonté farouche de bien faire. Nous avons décidé de les accompagner pour définir avec eux un cahier des charges exigeant qui leur permette de devenir une de nos fermes partenaires. »

Local. Les 300 salariés, ici en train de relever un filet, sont pour la plupart originaires du village d’Ambatolaona

Les novices, même bien conseillés, encaissent une salve de déconvenues. « Nous n'étions aucunement guidés par le profit, et heureusement… sourit Delphyne Dabezies. Notre business plan initial était bâclé. On a dépensé près de 20 millions d'euros en investissements. La rentabilité, ce sera pour nos enfants ! » Premier défi : se procurer des œufs fécondés d'esturgeon. Pas si simple… Pour cela, ils frappent à la porte du gourou en la matière, le scientifique russe Mikhail Chebanov, directeur d'un pôle de conservation génétique de l'espèce. Séduit par la démarche africaine, il accepte de leur vendre un lot d'œufs d'esturgeon sibérien. Mais ces derniers, extrêmement fragiles, supportent mal les voyages. Et il s'agit là d'un périple hautement périlleux : Krasnodar-Moscou-Paris-Antananarivo-Mantasoa. Les œufs doivent être continûment agités (en avion, les turbulences sont tout indiquées), et la température, minutieusement contrôlée. « Les milliers d'œufs sont mis dans des poches en plastique contenant un mélange d'eau et d'oxygène, raconte Alexandre Guerrier. Lors de la première livraison, un employé à Roissy a eu la bonne idée de le remplacer par de l'eau d'Évian. Les poissons n'ont pas survécu » (à savoir, une livraison coûte 50 000 €). La 4 tentative fut la bonne. La directrice technique passa la nuit à bercer les poches d'œufs en transit en attendant le décollage vers Madagascar… Pour le transfert entre l'aéroport d'Antananarivo et la ferme, les autorités malgaches, en soutien, mirent en place une escorte spéciale avec gyrophare. Une fois les œufs éclos (sur un lot de 50 000 œufs, seuls 20 000, en moyenne, vont donner naissance à un bébé esturgeon), il reste à prendre un soin obsessionnel de ce poisson délicat, qui craint la lumière et peut littéralement mourir de peur au premier orage.

Engagement. Tous les employés ont été formés, que ce soit comme tisserands ou ouvriers aquacoles, avec la possibilité d’évoluer en interne

Performances exceptionnelles. Les premiers bassins construits pour accueillir les esturgeons, creusés à la pelle et pavés de pierres taillées dans la montagne, se révèlent très vite mal dimensionnés… « On s'est bien plantés… Nos bassins étaient trop petits, on a été contraints de migrer sur le lac, reconnaît Christophe Dabezies. Mais c'était aussi, paradoxalement, une bonne nouvelle. On n'aurait jamais imaginé qu'ils grossiraient aussi vite ! » Comme si le trio avait gagné au loto : « Dans les eaux tempérées à l'année (de 13 à 25 °C) du lac de Mantasoa, les poissons ont des cycles plus rapides que dans l'hémisphère Nord, où les étés sont plus chauds. On atteint un optimum de croissance qui permet à Madagascar d'afficher des performances d'élevage exceptionnelles », explique doctement François René. En clair, les Français de Madagascar ont gagné du temps, et le temps, c'est beaucoup d'argent dans le caviar, vu la quantité de nourriture qu'ingurgitent chaque jour ces poissons au corps allongé dépourvu d'écailles. Le premier kilo de caviar a été produit le jour de la fête nationale malgache, le 26 juin 2017, soit huit ans après les débuts de la société. Rien ne sert d'être trop pressé… Pour les grains les plus rares et chers, ceux issus de la femelle esturgeon béluga, il faudra attendre qu'elle soit âgée de quinze ans (au minimum) avant de produire le premier caviar. Environ 60 % des grains sont vendus aux grands noms du secteur, le reste étant destiné aux deux marques « maison » : Rova Caviar et Kasnodar. « Delphyne, Christophe et Alexandre ont réussi à produire un caviar d'excellente qualité qui développe des arômes magnifiques », dixit Mikael Petrossian. Quant à la chair du poisson dont on a extrait les œufs, elle est donnée à l'association du père Pedro Opeka, qui gère des orphelinats dans la capitale malgache. « On m'a interpellé sur le thème : “Concevoir un produit pour les très riches dans un pays très pauvre, c'est étrange…” Mais je pense que c'est justement une manière de faire la promotion de ce pays magnifique et de ses habitants », assure Delphyne Dabezies.

Résurrection. Sur l'île rouge, la ferme Acipenser a réussi l'exploit de faire renaître une espèce d'esturgeon disparue. À l'origine, c'est un cadeau surprise du Pr Chebanov : un sac d'œufs fécondés de persicus, l'esturgeon iranien déclaré officiellement disparu par la convention internationale Cites, mais dont on a retrouvé une souche en mer Caspienne. Tant et si bien que le ministre iranien de l'Agriculture s'est rendu, en 2017, au lac Mantasoa pour admirer les esturgeons persicus dans les bassins malgaches. « Cela a été une petite bombe dans le monde du caviar, la communauté scientifique n'en revenait pas de voir vivre ce poisson dont il n'existait que des gravures anciennes, raconte Christophe Dabezies. Et nous, on a l'impression d'élever des petits dinosaures. » Ce caviar persicus ressuscité, dont les premières boîtes sont en vente cette année, fera sans aucun doute très so chic dans les palaces parisiens ou les lofts de Manhattan